dimanche 20 octobre 2013

C'est le matin qu'on grandit, Cédric Bernard


J’ai trouvé c’est le matin qu’on grandit un soir, dans ma boîte aux lettres.
L’objet intrigue d’abord : un accordéon qu’il faut plier, replier, déplier pour découvrir le texte. Il y a bien des numéros pour ordonner les pages, mais en réalité, avec Cédric on peut bien prendre le tout par l’envers ( oserais-je dire par derrière ?) et remonter les lignes jusqu’au petit matin pour observer la couleur de l’aube, par la fenêtre de sa chambre, du ciel, de la terre, de ses tripes ou de sa gueule du matin. Un ancrage dans le réel par les deux pieds à la fois brutal et onirique.
Voilà maintenant quelques jours que j’y tourne et retourne car il faut y revenir pour s’imprégner de l’odeur, du goût, de la caresse ou de l’écorchure, du bruit et de la couleur. Parce qu’une chose est sûre, c’est par les sens que cette écriture nous cueille. Le corps sur le qui-vive, sur le vif, dans sa trivialité et ses recoins cachés parfois. Et ça ne fait pas toujours du bien. Le corps est aussi le point de départ de l’écriture, largement questionnée dans ce texte : le silence du crâne, du ventre, de la main au réveil. Et soi.
Et puis ce temps qui défile, les saisons et on sent parfois poindre une forme de lyrisme dans la poésie de Cédric, mais renouvelé, personnel et absolument contemporain, jamais gratuit. L’homme ne quitte jamais la nature car il doit s’y inscrire pour être et faire corps, même douloureusement avec elle, au travers de l’écriture.
Merci Cédric pour ce joli recueil et si je devais ne citer qu’un extrait, ce serait celui-là peut-être :
« Le ciel pisse au même
Endroit qu’il se mire
C’est dire si lui en troublé
A y regarder après
Il n’y voit que son propre reflet.
En propre ?
Qu’importe…
»